L’œuvre de Didier Goguilly ne s’accroche pas à un terroir, ni ne se réclame d’un pays. Pourtant elle se nourrit de ses racines d’autant plus profondes qu’elles sont inconscientes, tout en s’affranchissant de cette spatialité originelle, pour tenter un dialogue inédit, ou plutôt particulier, entre esprit et matière.
Le monde calcaire conditionne, pour l’artiste, le rapport à la nature, à la vie, en privilégiant une mise en scène sans apprêt de masses, en apparence inertes, mais travaillées par l’érosion du temps. La puissance des éléments devient l’enjeu poétique d’un dialogue entre force et faiblesse, toutes deux en mutation.
Ce n’est pas seulement l’antagonisme entre être et devenir, ou vie et mort, qui anime le sujet rhétorique dans la création artistique de Didier Goguilly, mais l’état d’un instant, d’un regard qui saisit une situation, une composition remarquable, et en transcrit en une palette subtile les sensations alors ressenties.
La temporalité devient le centre d’une vision en apparence immuable aux mouvements infimes. L’important n’est pas que l’érosion viendra à bout de la roche si solide, que l’eau et l’air réduiront en poussière ces troncs souples et forts, mais que l’artiste retient ces éléments pour nous, dans une vision séduisante et symbolique.
Didier Goguilly crée un manifeste bénéfique et quelque peu panthéisted’une nature forte, transformée en signes ou en instants donnés. Il ne s’embarrasse pas d’une réalité banale, quitte à ne retenir qu’une partie, qu’un élément, pour lui donner sens au travers d’un regard unique et particulier.
Galerie Artcadache / mai 2014 / Jacques Cavin